Contes Laïka

Anthony, Britanny et le fantôme du château de Musinens

C’est à l’heure d’Halloween, des étranges secrets, des fantômes et des grisailles de l’automne qu’est née cette étrange histoire. Pour lire cette histoire il vous faut une citrouille creusée et des bougies, il vous faut la nuit, les arbres qui frémissent sous le souffle des vents d’automne. Il vous faut beaucoup de courage comme les enfants du conte : Anthony et Britanny qui sont mes neveux.

  Le château existe vraiment – comme le souterrain secret ; quant au fantôme il est dans mon imaginaire, mais … peut-être fait-il partie de la réalité.



Il était une fois un château qui se dressait au sommet d’une colline : on l’appelait le château de Musinens. C’est l’étrange histoire de ce château que je vais raconter.

L’histoire s’est passée dans la ville de Bellegarde sur Valserine dans l’Ain au pays de France. Au pied du château de Musinens - situé sur la colline qui domine la ville - alors que tout le monde dort, deux enfants veillent : le frère et la sœur – Anthony et Britanny. Ils ne peuvent dormir car demain est un jour spécial, celui de la Toussaint et de la fête des morts, c’est surtout le jour (ce 1er novembre) où ils ont décidé de partir à la découverte du souterrain secret du château de Musinens. Britanny a lu beaucoup de livres, elle aime bien la langue anglaise, aussi a-t-elle nommé ce château « The Castle of Musinens - world of Valserine’s River ghost. Elle ignore si l’orthographe est correcte mais de le prononcer en anglais lui semble encore plus étrange.

Les parents d’Anthony et Britanny leur ont interdit de s’aventurer vers la rivière, les enfants se disent que c’est dommage : elle porte un si joli nom, « La Valserine ». On dit au pays pourtant que la rivière « Valserine » disparaît soudain dans un grand trou, on le nomme au pays « les pertes de la Valserine ». Les anciens racontent que des personnes sont tombées dans la riviére et qu’on a jamais retrouvé leur corps. C’est pourquoi Anthony et Britanny – même s’ils en meurent d’envie – ne vont jamais là-bas. Personne ne leur a jamais interdit de se rendre au château qui est dans le parc à quelques kilomètres de leur maison. C’est un peu loin mais demain – jour de Toussaint – les parent iront, avec leur grand-mère, fleurir les tombes : celles du grand-père et de leur tante Agnès qu’ils n’ont jamais connue (elle avait six mois quand elle partit pour le pays d’en haut).

Le moment idéal est venu pour partir à la recherche du souterrain secret qui relie – comme le dit la légende et un ancêtre gardien des clefs – le château de Musinens au château de Mussel : deux bien jolis noms pour des châteaux.

Le jour s’est levé, la ville de Bellegarde s’éveille dans la brume d’un matin d’automne. Chacun aujourd’hui va fêter ses morts et fleurir le cimetière de chrysanthèmes flamboyants sous un ciel plombé de gris. Des bruyères de rose et de blanc vêtues, des pensées en robe bicolore s’unissent pour donner au ciel une palette de couleurs qui donnent vie à l’oubli et aux résonances des voix d’hier des êtres que l’on aima.

Les parents d’Anthony et Britanny sont partis pour le cimetière, les bras chargés de gros bouquets de fleurs.

C’est Britanny - à la longue chevelure entre blond et roux, que chacun dans la famille nomme « Brit » - qui a choisi la couleur des fleurs qui égaieront la tombe de grand-père Louis : elles s sont d’un doux mauve, comme la robe qu’elle porte aujourd’hui. Le mauve c’est aussi la couleur de Mamie Christiane qui hésite toujours entre parme et mauve. 

Britanny a laissé dans sa chambre la tenue de karaté enfermée dans l’armoire et le violoncelle dans son étui : elle ne peut les emporter pour l’aventure à vivre au château avec son frère et le chat « Myrtille » qu’elle a décidé d’emporter, caché dans son sac à dos. Myrtille est un étrange chat noir aux yeux d’or, il la suit partout.


C’est une belle journée d’automne, les arbres sont devenus roux, les feuilles craquent sous les pas. Hier pourtant un grand vent s’est levé soudainement et des milliers de feuilles se sont envolées : elles jonchent le sol sous leur pas. Britanny est persuadée que c’est un mystère que ce grand vent soudain – même son petit Jimmy qui a 4 ans et est un peu magicien a froncé le nez en entendant le vent !

 

Anthony, très téméraire, est déjà venu au pied du mur du château, il a découvert un trou dans le bas du mur – c’est là que les deux enfants se glissent. Si un passant les a aperçus, il s’est sans doute imaginé voir deux lutins aux cheveux blonds. Qui voudrait pénétrer dans un château inhabité où vivent seulement un gardien et son chien : le gardien se nomme Mandrin et le chien Faust. Anthony, avant de partir, a pris une lanterne – il sait que le château est fort sombre.

Anthony a saisi la main de sa sœur et lui a chuchoté :

- Suis-moi.

Britanny n’est pas rassurée, elle regrette presque d’être venue et le dit à son frère :

- J’aurais mieux fait de rester à la maison à jouer du violoncelle. C’est trop sombre ici.

Un long et lugubre cri les fait sursauter soudain :

- Ouh… Ouh…
- « Qu’est-ce que c’est » ? dit Britanny d’une voix tremblante, en se cramponnant à son frère.

Anthony a vraiment très peur, mais il ne veut surtout pas le révéler à sa jeune sœur.

- C’est juste une chouette, froussarde !

Britanny a senti Myrtille le chat noir s’agiter dans le sac à dos. Myrtille semble avoir aussi entendu l’étrange cri venu des profondeurs du Château de Musinens.

Les deux enfants ont repris leur marche. Le chat Myrtille s’est glissé hors du sac et s’est installé sur l’épaule de Britanny ; il semble veiller : ses yeux d’or semblent inspecter chaque recoin obscur. Le silence s’est installé à nouveau dans le souterrain du château : ne résonnent que les bruits des pas des enfants.

Pendant ce temps, dans une salle secrète reliée au souterrain, un personnage étrange est très inquiet. C’est la première fois depuis des siècles que quelqu’un cherche à pénétrer le souterrain. La dernière fois, les imprudents qui se sont aventurés sont morts noyés dans le puits sans fond. Le personne étrange qui écoute les pas d’Anthony et Britanny est le fantôme du château de Musinens : il est bizarre, tout vert – on dirait une plante qui marche (une sorte de triffid).

C’est lui qui a crié pour éloigner les enfants, sans succès hélas puisqu’ils on repris leur marche. Il n’a pas besoin de compagnie, il préfère tellement la solitude. Le fantôme a décidé d’aller voir de plus près qui sont les intrus qui s’aventurent sur son territoire. Il se sent bouillir de colère, et quand il se met en colère, il devient encore plus vert et des feuilles poussent sur ses bras et sur ses jambes.

Les enfants ont repris leur marche. Anthony ne prononce pas un mot, il a mis la main dans sa poche et caresse le sac de billes qu’il aime tant pour se rassurer. Il les a cachées dans sa poche de pantalon avant de partir. Elles sont toutes là, si belles, en verre de toutes les couleurs : il y en a une grosse comme un œuf de pigeon - elle en possède même la couleur, les autres sont de la taille d’une noisette. Il joue souvent aux billes avec ses copains, il ne sait pas pourquoi il les a emportées aujourd’hui, mais il est content de l’avoir fait. De les toucher le rassure un peu et il ne veut surtout pas montrer à Brit qu’il est mort de peur.

Le fantôme est inquiet. Ces intrus-là sont si étranges, ils lui rappellent des images de son passé qu’il voudrait oublier : il y avait des enfants dans son passé – il y a si longtemps déjà et les souvenirs s’effilochent dans sa tête, comme un vieux drap usé que l’on aurait trop lavé. Les enfants ont avancé, malgré leur peur, à la recherche du souterrain secret. Anthony se sent de plus en plus téméraire maintenant au contact des billes et Britanny, très curieuse, a vraiment envie de découvrir les mystères du château. Elle se dit qu’elle aurait finalement dû emporter sa tenue de karaté pour se donner la force de combattre les ombres du château.

Une voix terrible retentit soudain dans tout le souterrain :

- Où allez-vous et qui êtes-vous ?

La voix est grave, inquiétante. Le fantôme s’est avancé vers les enfants qui restent figés devant l’apparition.

- Je suis le fantôme du château de Musinens, que venez-vous faire en mes murs ?

Malgré leur courage, les enfants on peur. Il faut dire que ce fantôme est étrange : il ressemble à une plante. Il a trois bras et trois pieds et il est couvert de feuilles : on dirait les plantes qu’on trouve dans la serre des parents, on dirait même ces plantes qu’on trouve pour la fête des morts. Pourtant le fantôme ne peut être une plante puis qu’il a une voix et il marche. A-t-on déjà vu une plante marcher et parler ? Les enfants ne sont pas rassurés.

Myrtille le chat a sauté de l’épaule de Brytanny sur le sol, à la grande surprise de la petite fille que le chat ne quitte jamais, même à l’école il reste caché dans le sac à dos. Myrtille s’est avancée vers le fantôme, le poil hérissé, de plus en plus noir ; ses pupilles brillent et deviennent d’or : le fantôme hypnotisé ne peut plus quitter le regard du chat !

Myrtille ronronne de plus en plus fort, le bruit résonne dans tout le château. Même dans la loge du gardien le chien Faust l’a entendu et se met à grogner. Dans la poche d’Anthony les billes commencent à bouger et soudain, elle jaillissent du sac hors de la poche et tombent avec fracas sur la pierre où elles roulent au pied des enfants et du fantôme.

La grosse bille s’est mise au centre, toutes les autres viennent autour, comme une planète et ses satellites. Le chat Myrtille, Anthony et Britanny ne bougent plus, ni le fantôme : tous regardent les billes. Toutes les billes se sont élevées jusqu’au plafond du souterrain, elles se sont mises à tourner, les plus petites autour de la grosse qui tourne sur elle-même de plus en plus vite. Le chat a cessé de ronronner, tous entendent un étrange message qui résonne dans tout le château :

- Trilog …

Anthony et Britanny se sont pris par la main, le chat les a rejoints avec ses yeux étranges, il a sauté sur l’épaule de Britanny. Les enfants se mettent à tourner, comme les billes, comme le fantôme qui tourne sur lui-même de plus en plus vite.

Le fantôme a hurlé :

- Nooonnn…

Puis il tombe sur le sol. Les enfants sont surpris, ils ignorent qu’au moment où ils ont joint leurs mains, sur une autre planète – la planète Trija – des enfants de l’espace ont vaincu un monstre en joignant leurs mains, grâce à une pierre qui brille et au vieil homme de la terre.

Anthony et Britanny regardent le fantôme, ils n’en croient pas leurs yeux : le fantôme vert du Château de Musinens – lui qui recueillait les esprits des morts de la Valserine et les cachait dans la grotte de Bramaboeuf, lui qui protégeait le souterrain secret – est devenu blanc. Il est devenu un fantôme délivré du pouvoir d’une vilaine sorcière qui le retenait depuis la nuit des temps en le transformant en plante gardienne des disparus de la rivière.

A la surprise des enfants, le fantôme a éclaté de rire, puis il a serré les enfants dans ses bras. Il se regarde, émerveillé d’être délivré du sortilège qui l’avait transformé en plante.

Grâce à Anthony et Britanny, le fantôme du château de Musinens a retrouvé sa vie. Il n’a pas dévoilé aux deux enfants le secret du souterrain entre les châteaux, mais il est devenu leur ami. Britanny ne lui a pas non plus confié son secret : un de ses ancêtres était le gardien des clefs qui reliait le souterrain secret entre le château de Seyssel et celui de Musinens. Elle a bien l’intention de chercher à percer ce mystère, mais ce sera une autre histoire. Les enfants ignorent encore qu’ils seront amenés à rencontrer avec leur petit frère Jimmy les enfants de la planète Trija.

Car, fait étrange : au moment où le monstre disparut sur la planète Trija, le fantôme perdit la couler des plantes dont on meurt. C’est au mot magique « Trilog » qu’Anthony et Britanny furent sauvés et ne se perdirent pas dans le puits sans fond des pertes de la rivière « Valserine ».

Depuis ce jour, les enfants vont souvent fleurir la tombe de leur grand-père pour faire plaisir à leurs parents qui ne les ont pas punis de leur escapade. Il partent aussi retrouver leur ami – le fantôme du château de Musinens – en compagnie de Myrtille le chat noir ; parfois le chien Faust et le gardien Mandrin les rejoignent. Tous parlent souvent du mystère du château et du souterrain secret.

Mais ce sera une autre histoire, un autre mystère bientôt que les enfants découvriront. La nuit tombe, les arbres agitent leurs branches sous le vent. Il est temps d’aller dormir
*Se référer au conte qui fait partie du même volume de 12 contes aux Editions Lapeyronie, « La pierre qui brille et autres contes » du même auteur où l’histoire est racontée des enfants de la planète Trija.

Un conte de : Roselyne Carrier-Dubarry
Illustrations : Isabelle Ilic
Editions : Lapeyronie

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